Capítulo II – Cinema – Cinema

«Pain and Glory», Pedro Almodovar and how not to repeat ourselves

«Douleur et Gloire», Pedro Almodovar et comment ne pas se répéter

Paulina Stephani Hernández Ríos

Université Paris VIII, Mexico

Jean-Pierre Marcos

Université Paris VIII, France

Abstract

In this article we will explore the film «Dolor y Gloria» by the Spanish filmmaker Pedro Almodóvar, as a psychoanalytic process of cure of Almodovar himself. From Freudian psychoanalysis, we will see how the main character (Salvador Mallo) manages to get rid of what Freud calls «the compulsion of repetition, going through different stages of the psychoanalytic cure, from denial to emancipation through the word. Also, we will analyze the concept of «screen-memories» that is present in multiple sequences of this film. Additionally, we will study fragments of interviews given by Almodovar about «Dolor y Gloria» in order to analyze the cathartic in this film.

Keywords: Psychoanalysis, Almodóvar, Freud, Catharsis.

Introduction

« Douleur et Gloire », l’avant-dernier film du célèbre cinéaste espagnol Pedro Almodóvar, est l’exemple du coup de répétition freudien. Ce genre de malédiction qui nous condamne à répéter encore et encore ce que nous avons déjà vécu. La formule que propose Almodóvar se lit et se regarde simplement, mais cela lui a pris 70 années pour y arriver. Sa formule est la suivante: accepter la transformation et d’abord s’aimer soi-même. Cependant le prix lui sera très dur à payer, mais cela sera un nouveau souffle de vie, qui le fera renaître.

Le film, qui est un sorte de portrait autobiographique, est d’une certaine façon aussi l’œuvre la plus réussite du cinéaste espagnol. Comme nous l’avons déjà dit, Pedro Almodóvar a pris environ 70 ans pour arriver à réaliser ce plaisir visuel et narratif où il s’est non seulement consacré en tant que réalisateur, mais aussi en tant que autobiographe qui laisse un testament personnel de ce que signifie pour Almodóvar de vivre.

Découvrons ensemble ce que garde l’univers Almodovarien en «Douleur et Gloire»:

I. Le développement de l’histoire

Le film nous raconte l’histoire de Salvador Mallo, personnage joué par Antonio Banderas, un de ses acteurs privilégiés, qui interprète un réalisateur du cinéma d’environ 60 ans que l’on peut interpréter comme l’alter ego d’Almodóvar. À cause de sa santé détériorée, Mallo tombe dans une crise existentielle et créative qui l’empêche d’exprimer son art. Il souffre de fortes migraines, de douleurs dorsales et d’une étrange ossification des vertèbres au niveau de la gorge qui empêche le passage correct des aliments (maladie de Forestier). Dans cette crise existentielle, on trouvera aussi le début de sa guérison. Salvador Mallo commence à recréer son enfance à travers ce que Freud appelle un «souvenir-écran», où il recrée les moments gravés dans sa mémoire qui l’ont marqué dans son enfance.

Le premier cadre du film, est un «souvenir-écran» dans lequel Salvador, alors l’adulte, est plongé dans une piscine, apparemment dans le cadre de son traitement thérapeutique contre le mal de dos. Il recrée dans l’eau le «souvenir-écran» suivant :

Il accompagne sa mère et ses amis pour laver les vêtements dans la rivière.

Le personnage de Salvador Mallo, ne sait pas qu’à travers les souvenirs écrans se manifeste la première lumière sur son processus de guérison de certains maux physiques et «de l’âme» qui l’affligent.

Image 1 – Premier “souvenir-écran” du film (Doleur et Gloire 2019)

En raison de sa douleur, Salvador flirte avec l’héroïne et la consomme pour tenter de soulager sa douleur, à la fois du corps et de l’âme. Salvador nous raconte:

Je souffre également de douleurs de l’âme, telles que la panique et l’anxiété qui s’ajoutent à l’angoisse et à la terreur de ma vie et alternent naturellement pendant des années avec la dépression.
(Douleur et Gloire 2019)

Et, c’est à ce moment que commence tout le processus de guérison, puisque dans cet état profond de conscience de l‘inconscient viendront les remémorations de ses souvenir-écran, qui seront lentement complétés tout au long du film.

On ne sait pas si Almodóvar est un connaisseur de Freud, mais ce que l’on sait, c’est que les ennuis de son alter-ego (Salvador Mallo) dans le film seront résolus. Ou du moins qu’il prendra soin de lui-même quand il sera parvenu à débloquer tous ses «souvenirs-écrans» qui ne sont dépouillés de leur résistance que grâce à l’héroïne.

Dans les éléments oubliés serait sans douté contenu tout ce qui rendre l’impression digne d’être relevée. Je peux confirmer que tel est bien le cas; plutôt que «d’éléments oubliés du vécu» je préférerais seulement parler d’éléments «mis de côté».
(Freud 2019, 15)

Je dois souligner ici que, il ne s’agit pas que Salvador ait trouvé la rédemption dans l’héroïne, mais plutôt que cette substance psychotrope l’a aidée à remontrer dans le conscient ses «souvenirs-écrans» alors enfoui dans le subconscient. Cependant les «souvenirs-écrans», ne constituent pas un moyen curatif en soi, c’est grâce à la confrontation, la prise de parole et la recherche d’aide que Salvador a réussi à se remettre sur pied et à sortir de sa crise. Crise qui le tourmente, tant au niveau de la santé que de l’existence. Le personnage de l’assistante personnelle de Salvador Mallo, «Zulema», lui est également essentiel à sa cure psychanalytique grâce à son rôle d’amie et de confidente.

Dans le suite ce texte, On ne verra le personnage Salvador Mallo comme la reconstitution de l’histoire de Pedro Almodóvar. On pourrait dire qu’une partie de son processus de guérison est réalisée par Antonio Banderas en tant qu’acteur, puisqu’il concrétise le fantasme d’Almodóvar qui est de vivre tous ses maux avec une certaine magie et un certain calme. Antonio Banderas n’est ni Pedro Almodovar ni Salvador Mallo, il fait partie de la catharsis, il est l’image cathartique en mouvement. Pour cette raison, l’interprétation de Banderas dans le film réussit à transformer la répétition en magie, en cinéma, en différence.

Je ne suis pas sûr qu’Antonio joue mon alter-ego, évidemment le film est né de moi et me représente intimement dans tous les sens, mais dites que je n’ai pas vécu exactement les mêmes choses que le personnage d’Antonio, ni de cette façon.
(Almodóvar 2019) 1

II. La mère, le premier amour, la première affronte.

Bien qu’Almodóvar soit connu pour représenter les femmes de manière humaine, mais aussi idéalisée, et surtout remplies de désirs, d’angoisses et de vie dans ses films, dans «Douleur et gloire» le portrait de sa mère est plus contrasté, avec à la fois un côté joyeux puis sombre: On peut voir l’idéalisation de sa mère pendant son enfance et, plus tard on voit le souvenir de sa mère dans la vieillesse, où il y a la souffrance, le repentir et la confrontation.

Ses souvenirs d’enfance qui sont ramenés à la surface de son conscient par l’héroïne, dans lesquelles le thème de la mère sera toujours une constante. Alors, le premier portrait de sa mère qui dans son souvenir idéalisé de son enfance, chante, sourie, est fort et optimiste. Mais le temps sera cruel avec elle et la ferait perdre sa bienveillance et sa douceur. En comparaison avec son film «La fleur de mon secret» où Almodóvar lui-même a dit que sa mère y est complètement idéalisée, le portrait de sa mère dans «Douleur et Gloire» comporte une dualité. Elle y est dépeinte à la fois jeune et vive, mais aussi vieille et rabat-joie. Almodóvar a un regarde non seulement du désenchantement de l’enfance, mais il y a le regarde adulte mature qui peut maintenant comprendre ce que sa mère a vécu:

Cette vieille mère a de nombreuses raisons de se plaindre. Parce que la génération de ma mère a été composée de femmes très fortes qui, en sauvant leurs enfants, ont sauvé tout le pays après la guerre civile. Mais il faut reconnaître que la vie a été injuste pour eux, et c’est pourquoi, lorsqu’ils vieillissent, ils deviennent des femmes en colère avec une certaine cruauté naturelle2. (Almodóvar 2019)

En retournant au film, la première confrontation survient lorsque sa mère décide de l’envoyer au séminaire pour qu’il puisse poursuivre ses études, et c’est là que nous voyons la première grande marque du caractère du petit Salvador lorsqu’il crie énergiquement à sa mère qu’il ne veut pas être prêtre. Dans la séquence, nous observons comment le garçon part et court vers les escaliers d’un phare, où sa mère promet de le sortir du séminaire lorsqu’il aura terminé son lycée.

Image 2 – “Jacinta” (Penélope Cruz) défiée comme mère du petit Salvador. (Doleur et Gloire 2019)

La phrase exacte que l’enfant utilise pour nier l’autorité maternel, mais aussi de quelque façon l’autorité divine car il connaissait que devenir prêtre était «le chemin de Dieu», est «Je n’ai pas envie d’être prête!». Donc, on remarque que chez l’enfant il existe déjà un identité en forme de «Je», une volonté personnel, une puissance qui plus tard lui servira à dépasser pour de vrai l’autorité maternelle. Dépassement que nous mentionnerons plus tard car ce présent article vise à suivre la narration du film dans l’ordre chronologique.

Image 3 – La représentation de l’affirmation infantile de l’enfance de Salvador Mallo (Doleur et Gloire 2019)

III. Federico: l’importance de prendre conscience des répétitions, de vivre un duel et de renoncer pour ne pas répéter.

Le grande amour de jeunesse de Salvador Mallo est Federico, un jeune homme de Galicia, que Salvador rencontre dans les toilettes d’un bar bondé. Pour Salvador le coup de foudre est immédiate et tombe follement amoureux de Federico.

Cette histoire d’amour raconte comment ces deux jeunes madrilènes de la génération des années 80 étaient fous de la vie.

Salvador raconte qu’à l’époque, Madrid était le lieu où l’on pouvait tout vivre et tout faire, et il se souvient de l’atmosphère de la «movida madrileña» après la répression de franquiste.

La tragédie survient lorsque Federico devient accro à l’héroïne, ce qui consterne, attriste et met Salvador mal à l’aise, qui était alors dans la fleur de l’âge créatif. Après qu’ils aient «répété» en tant que couple dans la même situation pendant trois ans, Salvador, déprimé, décide de le quitter lorsqu’il comprend que ce n’est pas lui qui allait le sauver de sa dépendance et qu’on fait il avait besoin de se sauver soi-même en premier.

Pour représenter ce drame, Pedro Almodóvar, fait un très beau monologue qui est prononcé à l’intérieur du film sous forme de pièce de théâtre et interprété par un des amis de Salvador.

J’étais désespérée, je ne savais pas quoi faire à part me répéter, nous nous sommes répétés tous les deux pendant 3 longues années, je croyais que la force de mon amour allait surmonter son addiction mais ce n’était pas le cas, l’amour ne suffit pas. L’amour peut déplacer des montagnes, mais il ne suffit pas à sauver la personne que vous aimez.3
(Douleur et Gloire 2019)

Dans ce monologue, nous voyons la conscience de la répétition de la relation de Salvador et par conséquent la nécessité pour lui de s’arrêter, de renoncer pour ne plus se répéter.

Salvator et Almodóvar savent tous deux ce que signifie le renoncement amoureux, et c’est le deuil, le produit de la prise de conscience et de la perte de l’innocence.

Dans une interview, Pedro Almodóvar nous dit:

J’ai aimé passionnément une fois ; plus d’une fois, en fait. Mais à une occasion, j’ai dû interrompre la relation et c’était comme si on m’avait amputé le bras. Il fallait que ça se termine, mais c’était dur parce que j’étais encore amoureux. Il est très douloureux de se séparer volontairement de quelqu’un qu’on aime encore, même si c’est la seule façon de survivre. C’est dans ma biographie. (Almodóvar 2019)

La magie du cinéma fait que Federico, l’amour de jeunesse perdu, retourne à Madrid après des décennies des années, et tombe sur la représentation du monologue que Salvador a écrit pour lui et qui motivera Federico à le chercher.

La séquence de la rencontre des amoureux est extrêmement significative et représente la fin du duel.

Federico demande pardon à Salvador, lui donne de la reconnaissance et c’est ainsi que Pedro Almodóvar crée un scénario fantastique pour son processus de guérison.

Lors de la rencontre avec Federico, Salvador l’interroge sur sa situation amoureuse actuelle, et lorsqu’il apprend que Federico a reconstruit sa vie avec une femme et qu’il a maintenant une famille et des enfants, Salvador lui demande «Et eux sais quelque chose sur nous ?» Ce à quoi Federico répond «Lucrecia, mon ex-femme, oui je lui ai dit». La question suivante de Salvador est «Es-tu en couple maintenaient?» et Federico répond «Oui, [...] mon expérience avec les hommes est terminée avec toi, prenez-la comme un compliment.»

Enfin, le dialogue est scellé par un baiser et par la question de Federico : «Veux-tu que je passe la nuit ici avec toi ?» Et Salvador qui dans cet moment réussi à briser le processus de répétition et à répondre : «Non, nous allons clore cette histoire comme Dieu l’a voulu».

Une partie fondamentale est qu’avant que Federico n’arrive à la réunion avec Salvador, il s’empresse de sortir son héroïne et décide de la fumer, mais regrette à la dernière minute d’avoir sortir la drogue et ne la consomme pas. À la fin de sa rencontre avec Federico et déjà seul, Salvador retourne chercher sa boîte d’héroïne et décide de la jeter, c’est là que Salvador entame la dernière partie de son processus de guérison.

La scène suivante sera Salvador appelant Zulema, son assistant personnel, pour prendre rendez-vous avec son médecin spécialiste. Voilà! Grâce à la parole et à la reconnaissance et en quelque sorte à la réconciliation avec le passé, Salvador a commencé à prendre en charge sa santé.

Image 4 – Antonio Banderas et Leonardo Sbaraglia, interprétant la rencontre entre “Salvador” et “Federico”. (Doleur et Gloire 2019)

Pedro Almdóvar amène son personnage de Salvador à affronter sa maladie (physique et de l’âme) comme un «digne adversaire».

La maladie elle-même ne doit plus être à ses yeux rien de méprisable, mais plutôt devenir un digne adversaire, un partie de son être qui s’appuie sur de bons motifs et dont il s’agit de tirer quelque chose de précieux pour sa vie ultérieur. (Freud 2019, 62)

IV. Le grand affrontement, le renoncement et le duel maternel

Lorsqu’il arrive au cabinet médical, Salvador se confie au médecin et lui raconte ce qu’il a fait pour résister à la douleur sans aller le voir d’abord. Salvador avoue sa consommation d’héroïne et sa volonté d’y renoncer.

Le médecin lui conseille de retourner au travail, de s’occuper pendant que son corps se désintoxique, et c’est là que Salvador énonce:

Mon projet est d’améliorer ma qualité de vie [...] Le cinéma est un travail très physique et malheureusement je ne suis pas en position [...] Je n’ai pas pu me remettre, ma mère est morte il y a quatre ans, deux ans plus tard j’ai été opéré du dos, je crois que je ne me suis toujours pas remis d’une chose nu de l’autre, J’ai besoin d’aide docteur.4 (Douleur et Gloire 2019)

Nous sommes à un moment du processus de guérison, très important car finalement Salvador se réaffirme comme le porteur de la parole, de passer d’être un homme qui ne sortait pas en public depuis des années et qui avait une énorme insécurité physique pour réaliser son travail et sa vie quotidienne, il devient l’homme qui, avec courage et assurance en soi, réussit à demander de l’aide et devenir responsable de soi-même. Nous nous tournons vers un Salvador qui sait ce que sont les traumatismes, ce qui le dérange, qui décide d’être responsable de ce qui est insupportable pour lui dans sa vie en demandant explicitement de l’aide.

La prochaine séquence à commenter sera le retour de Zulema et Salvador chez lui, ayant une conversation très intime.

Zulema dit à Salvador : «C’est la première fois que je t’entends dire que tu ne t’es pas encore remis de la mort de ta mère5

Après que Zulema ait prononcé ces mots, Salvador commence à lui raconter de plus en plus de confidences entre lui et sa mère et ainsi il arrivera à l’un de ses souvenirs les plus douloureux de l’âge adulte:

— Tu n’as pas été un bon fils, mon fils
— Ah bon! non ?
—Non ! Tu ne m’as pas pardonné de t’avoir recommandé à la bienheureuse Paterna, et je pense que tu as eu ta revanche pour cela. Je ne voulais pas non plus que tu ailles au séminaire, mais nous étions pauvres.
—C’est vrai que je ne voulais pas y aller, mais c’est pour ça que je voulais me venger. -Comment peux-tu penser ça ? ...
—Après le lycée, tu n’avais pas assez de temps pour aller à Madrid, et quand ton père est mort, je t’ai dit que si tu voulais que je vienne vivre avec toi, tu disais que tu menais une vie qui n’était pas destinée à être partagée avec moi...
—Et c’était vrai, mais pas de la manière dont vous l’avez compris.
—J’ai parfaitement compris ! J’ai de très mauvaises jambes mais j’ai une très bonne mémoire.
—Quand je ne voyageais pas, je te filmais tu n’aurais pas enduré la solitude d’un appartement à Madrid, ce n’était pas une vie pour toi-
—J’aurais pris soin de vous, je me serais adapté comme je me suis adapté à tant de choses, mais tu ne voulais pas, et cela m’a fait mal.
—Maman, je suis vraiment désolé de ne pas avoir été le fils que tu voulais quand tu as dit : «Mais à le caractère de qui ressemble cet gamin?» Tu n’étais pas vraiment fière de ça, et je pouvais le sentir. Vous ai-je échoué simplement à cause de qui je suis?
...(Déni avec la tête de Salvador) ... Je suis désolé...6
(Douleur et Gloire 2019)

Dans ce souvenir, se révèle la véritable confrontation avec la mère et le renoncement à elle. Le renoncement était peut-être déjà clair puisque Salvador pendant sa jeunesse avait décidé qu’il ne voulait pas que sa mère aille vivre avec lui, cependant, sa mère, en s’opposant à son souhait, fait comprendre à Salvador que pour elle, cela fait de lui une sorte «d ‘échec», «un mauvais fils» pour le simple fait d’ être tel qu’il est.

On se souvient que l’homosexualité est présente à la fois dans le personnage de Salvador mais aussi dans la vie réelle d’Almodóvar, à laquelle la question: «Est-ce que je suis un échec pour vous simplement pour être qui je suis?» Peut-être aussi le rejet par une mère de l’homosexualité de son fils, de ses goûts, et la chose la plus douloureuse et triste: un dégoût pour ses passions et ses créations.

Dans une interview réalisée en 1999 par RTVE.ES, la mère d’Almodóvar admet ne pas avoir vu les films de Pedro, parce que ceux qui ont un contenu sexuel explicite, et donc mal vu pour une femme d’après-guerre, ont laissés sa mère avec une mauvaise réputation vis-à-vis de ses voisins.

Pour Pedro Almodóvar, vivre seul à Madrid sans sa mère signifiait vivre pleinement sa sexualité, expérimenter dans sa création, devenir écrivain, poète, cinéaste, se libérer de la malédiction paternelle de «rester au travail pour le reste de sa vie dans la compagnie de téléphone Movistar», car sa carrière en tant que cinéaste pour son père n’était rien de plus que des pures «aventures». Il était peut-être évident que sa mère et son père n’avaient pas grand-chose à apporter à Almodóvar en tant que jeune cinéaste.

Le même Almodóvar sur un entretien de radio dit la chose suivants à propos de cette séquence:

Cette séquence est la séquence d’un petit règlement de comptes qu’il a avec sa mère sur le balcon, sur la terrasse de la maison, et ce n’est pas une séquence que j’aurais vécu avec ma mère, [... ...] en cela, c’était le personnage de Juliette qui lui faisait un reproche quelle s’avait tue au fil des ans, et pour moi c’est une des séquences qui m’émeut le plus et dans laquelle je me sens le plus représenté, mais ce n’est pas une scène qui représente un moment de ma mère et moi, on ne parle jamais sur ces tons, ni de ces choses, mais je crois que cela lui dit que lui a échoué simplement parce qu’il est comme il est. Mais néanmoins, parce que j’ai aussi été surpris de voir à quel point cette séquence m’a ému, après l’avoir vue filmée, je pense que ce dont je parle ici, c’est de mon enfance, je parle du sentiment d’étrangeté que j’ai ressenti dans le regard des autres dans mon enfance, au village, à l’école, etc. Ce sentiment qu’ils vous regardent parce que vous êtes différent, ou qu’ils pensent que vous êtes différent, et ce sentiment d’étrangeté dans l’enfance est un sentiment très fort, très agressif. (Almodóvar 2019)7

Image 5 – Salvador Mallo( Antonio Banderas) et sa mère (Julieta Serrano) dans un silence inconfortable après la discussion. Doleur et Gloire 2019)

Le grand deuil du cinéaste n’est pas le renoncement à être ce qu’il est, car malgré la subtilité de ce geste avec une tête qui indiquait un déni, il a réussi à s’imposer comme un être libre indépendamment du souhait de sa mère. Son chagrin correspond plutôt à l’absence d’acceptation par sa mère, sa famille et son propre environnement.

Cependant, le fait que Salvador n’ait pas pu réaliser le dernier souhait de sa mère, qui était de mourir sur son lit dans son village car elle envie de mourir « dans son propre lit », et au lieu de cela, elle va mourir dans un lit froid d’hôpital. Ce chagrin fait naître en Salavador un grand sentiment de culpabilité et la raison pour laquelle il ne peut surmonter la mort de sa mère, puisqu’il n’a pas pu tenir cette dernière promesse qu’il lui avait faite comme une forme de rédemption. Une action qui, selon Salvador, ferait de lui, aux yeux de sa mère, «le bon fils» qu’il n’a jamais été.

Ainsi, le grand chagrin de Salvador, en plus d’être puni par sa mère «pour être qui il est», et également de ne pas avoir tenu ses promesses et de se sentir à ses propres yeux comme un échec complet comme fils.

L’une de ses grandes peines était de ne pas avoir pu se racheter devant sa mère, il n’avait pas réalisé son dernier souhait.

Cette information est confiée à Zulema, son assistante, qui le console et tente d’atténuer sa douleur en lui disant «Tu as fait tout ce que tu as pu, ce n’était pas de ta faute».

Zulema est la main amicale, on pourrait même dire maternelle, dans laquelle Salvador trouve un peu de paix, d’acceptation et de réconfort.

Conclusion: Comment Salvador finit-il par guérir?

«Douleur et Gloire» est un film où le miracle du cinéma rend possible l’improbable enchainement d’événements qui amène un véritable processus de guérison. C’est donc un film où il y a une grande réconciliation avec le passé.

La façon dont Almodóvar parvient à sortir Salvador de la crise dans laquelle il se trouvait, c’est en transformant toute sa tristesse en «gloire». Almodóvar réussit à le réaliser dans son film :

Cette perlaboration, cette traversée de la résistance par le travail peut, dans la pratique devenir mission pénible pour l’analyse et un épreuve pour le médecin. Mais c’est cette fraction du travail qui exerce le plus grand effet de transformation[...] (Freud 2019, 68)

À la fin du film, nous voyons Salvador qui, ayant récupéré de ses maux physiques, tourne un nouveau film intitulé «Le premier désir», recréant à l’écran tous ces «souvenirs-écrans» de l’enfance.

Almodóvar lui-même nous dit :

[...] dans mon film, j’ai ressenti le besoin de sauver Antonio, parce que si je l’ai sauvé, je me suis sauvé aussi. Et il n’y a pas de meilleur chemin vers le salut qu’une fin heureuse et pleine d’espoir. (Almodóvar 2019)

Pedro parvient à filmer avec une grâce exemplaire ce que signifie traverser une résistance, un renoncement, un duel et enfin une guérison.

Le personnage de Salvador, comme Pedro Almodóvar lui-même, achève son processus de guérison dans une catharsis: le cinéma.

Notes finales

1VO. «Yo no estoy seguro de que Antonio haga de mi alter-ego, evidentemente la pelÍcula nace de mi mismo y me representa intimente en todos los sentidos, pero digas que yo no he vivido exactamene las mismas cosas que vive el personaje de Antonio, ni de ese modo.

2VO. Esa madre mayor con motivos de sobra para quejarse. Porque la generación de mi madre ha sido de mujeres muy fuertes que, al salvar a sus hijos, salvaron a todo el país tras la Guerra Civil. Pero hay que reconocer que la vida ha sido injusta con ellas y por eso cuando son mayores se convierten en mujeres ariscas con cierta crueldad natural.

3VO. Yo estaba desesperado no sabía que hacer , excepto repetirme, los dos nos repetimos durante 3 largos años, yo creía que la fuerza de mi amor vencería su adicción pero no fue así, el amor no es suficiente. El amor tal vez mueva montañas, pero no basta para salvar a la persona que quieres.

4VO. Mi proyecto es mejorar mi calidad de vida [...] El cine es un trabajo muy físico y desgraciadamente yo no estoy en condiciones[...] yo no he sido capaz de salir adelante, Mi madre murió hace cuatro años, dos años después me opere de la espalda, creo que todavía no me he recuperado ni de una cosa ni de la otra « Necesito ayuda doctor qh23

5VO. “Es la primera vez que te oigo decir que todavía no haz superado la muerte de tu madre”

6«No has sido un buen hijo, hijo mío – No?.. – No!, no me perdonaste que te recomendara a la beata de Paterna, y creo que te vengaste por eso, yo tampoco quería que fueras al seminario, pero eramos pobres .- Es verdad que no quería ir, pero de eso a que quisiera vengarme de ti¿Cómo puedes pensar eso? ...
Después del bachillerato te falto tiempo para irte a Madrid, y cuando murió tu padre, te dije si querías que me fuera a vivir contigo, tú escurriste el bulto, dijiste que, llevabas una vida que no era para poder compartir conmigo... -Y era verdad, pero no como tú lo entendiste- ¡Yo lo entendí perfectamente! estoy muy mal de los remos pero la cabeza la tengo estupendamente - ¡Cuando no estaba viajando, estaba rodando tú no hubieras soportado la soledad de un piso en Madrid, aquello no era vida para ti. - Habría cuidado de ti, me habría adapatado como me he adaptado a tantas cosas, pero no quisisite, y aquello me dolio... – Mamá, siento mucho no haber sido el hijo que tu deseabas, cuando decías «A quién habrá salido este niño?» No lo decias precisamente con orgullo, y yo me daba cuenta... ¿Te he fallado simplemente por ser como soy? Silencio ... (Negación con la cabeza porparte de salvado)... «lo siento mucho .. 1.34

7VO. «La secuencia, es la secuencia de un pequeño ajuste de cuentas que tiene con la madre , en el balcón, en la terraza de la casa, y no es una secuencia que yo hubiera vivido con mi madre, [...] en esto era el personaje de Julieta haciendole un reproche que se había callado a lo largo de los años, y para mí es de las secuencias que más me emocionan y en las que más me siento representado, pero no es una escena que represente un momento de mi madre y mío, nunca hablamos en esos tonos, ni de aquellas cosas, pero yo creo en que le dice que le ha fallado siemplemente por ser como es, pero sin embargo, porque a mi también me sorprendia hasta que punto me emocionaba aquella secuncia también, despues de verla filmada, yo creo que ahí de lo que estoy hablando es de mi infancia, estoy hablando del sentoimiento de extrañesa que yo sentia en la mirada de los demás en mi niñez, en el pueblo, en el colegio, etc. Esa sensación de que te miran por que eres diferente, o ellos piensan que eres diferente, y esa sensación de extrañesa en la infancia es un sentimiento muy fuerte, muy agresivo.» 17h.50

Bibliographie

Livres:

Freud, Sigmund. 2019. La répétition, mémoire et compulsion. Traduit par Oliver Mannoni. Paris: Payot & Rivages.

Textes en internet :

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Tones, John. 2019. Mi personaje en « Dolor y Gloria » no tiene nada que ver con la madre de Volver”. Penélope Cruz. Espagne: ESPINOF. https://www.espinof.com/entrevistas/mi-personaje-dolor-gloria-no-tiene-nada-que-ver-madre-volver-penelope-cruz. Dernière consultation 12/1/2021

Films:

Dolor y Gloria. (2019)., Réalise par Pedro Almodóvar. España: El deseo. Streaming Canal+

Todo sobre Almodóvar: El director compite en Cannes por primera vez. (1999). Réalise par Alicia Montano: España : rtve.es. Steaming https://www.rtve.es/alacarta/videos/informe-semanal/informe-semanal-todo-sobre-almodovar-director-compite-cannes-primera-vez/436626/